Deux Oiseaux, Fond sensibilise, 1952, Nice
BIOGRAPHIE
Alfred Angeletti (1919-1991), est
nationalité française, il a vécut à Nice.
Il suit conjointement, pendant quatre
ans, les cours de l’Académie Royale des Beaux-Arts et de l’institut des Arts Décoratifs du Bâtiment, à Liège.
Il travaille pendant des années dans une voie expressionniste, souvent parallèle
à l’Art Brut, avec de temps à autre,
(dès 1947) des incursions vers la non-
figuration. Expérimente, tout au long de ces années, différentes techniques : pâte, grattage, zébrures, éclaboussures etc…
Le souci constant est d’obtenir la diversité dans la simplicité : propositions, sensibilisations du trait, de la lisière des
bandes, des surfaces, par le travail des pinceaux, toujours
visible (voire stries entre les touches), enfin dans les couleurs.
Parcours entrecroisés, autre mot clef, tant pour l’histoire
du peintre que pour l’histoire de sa peinture : s’entrecroisent
une mère et un enfant (1950), s’entrecroisent la musique et
le chœur des Pèlerins (1960), s’entrecroisent d’une toile à l’autre les bandes colorées (1965),s’entrecroisent et la passion déferlante des drapeaux monochromes (1968) et les petites touches-du bout des doigts-pour un dégradé silencieux (1973) et les frises, limites et couleurs, croix et touches (parcours de 1979), s’entrecroisent enfin, pour repeupler la musique, le Noir et l’hommage à DURUFLE (1985) ».

Ce cheminement personnel, à l’écart des grands courants
présents à Nice a cependant croisé les préoccupations des artistes.
Ainsi la rencontre avec Picasso au début des années cinquante comme le contact avec les grands américains à l’Exposition de Bruxelles en 1958 ou la présence des « Ecoles de Nice »
(Nouveau réalisme, Supports Surfaces) ont poussé Alfred Angeletti à approfondir sa démarche, à la fonder, à la graver dans le geste de peindre. Il a pu, ainsi, être le ferment dans lequel se sont retrouvés de jeunes artistes niçois.
LES PERSONNAGES
Certains sujets très schématisés, ses Archétypes (personnages, oiseaux, crânes, fleurs, etc.) sont repris et systématiquement répétés, en un graphisme noir formé par une succession de touches interrompues, inégalement sur des bandes de couleur vives, échelonnée horizontalement, très souvent sur fond blanc. Lentement son travail évolue par « des signes personnages » qui sont dans l’esprit de l’Art Brut. Puis son travail le rapproche du mouvement COBRA (mais il n’y adhère pas). Il élabore, à travers sa propre figuration, ses Archétypes , une peinture à puissante charge affective, utilisant alternativement les couleurs fortes ou travaillant plus dans la matière, mais toujours avec une facture fougueuse.

En quelques traits, Angeletti imprime une vie à ses personnages.
De ceux-ci on pourrait dire (comme on le fit pour Dubuffet) que le peintre a préféré la réalité intime à l’illusion imaginaire. De là naît un choc où l’apparence d’art primaire, d’art ésotérique, le cède à
la subtilité pour celui qui sait s’en approcher. Travail de longue haleine (par séries) dans lequel se lit l’inquiétude permanente (l’obsession ?) de l’artiste. Le défi est, avec peu de moyens et
par la seule occupation de l’espace, par le choix de la couleur,
par le support de dessins enfantins de retrouver fraîcheur, spontanéité, sérénité, joie et gaieté.

D’une certaine façon, cette période traduit, dans l’histoire du peintre, un premier aboutissement de ses recherches : faire
de l’art avec comme guide la spontanéité enfantine, utiliser des moyens dans leur plus grande simplicité, se départir des traditions de la société, rejeter les artifices et retrouver l’art dans sa forme la plus pure, la plus vraie. Ayant tout appris, il lui faut à présent tout oublier.
LES BANDES
(…)Cette période est celle des tableaux à bandes obliques qu’Alfred Angeletti peignait « pour donner plus d’extension à la toile » comme-il s’en expliquait lui-même, peignait ainsi « pour donner plus d’extension à la surface ». Il travaillait sur tous supports (toile, isorel, papier kraft, papier journal etc.), avec des pinceaux de tailles différentes ou au doigt, traitant la surface par une matière-geste , à l’huile ou à l’acrylique...
Durant cette période, il composait des bandes avec un motif récurrent, sorte de grappes et d’arborescences. Difficile à classer en réalité, il ne chercha pas vraiment à se faire connaître. Grand amateur de musique, particulièrement d’opéra, son œuvre est une quête ; Cérémonial pour un Chevalier du Graal, est un titre récurrent. Avec rigueur et sobriété esthétique, tout au long de son travail, il passa de la figuration à la non-figuration, puis aux personnages et aux parcours brisés, essentiellement non figuratifs tant l’opposition factice n’avait pas de sens pour lui. Une quête remarquable !

Julie Carpentier (2006)
LES ANNÉES 80 - 90 : PARCOURS BRISÉS
Voilà des années que nous parlons du Parcours du peintre Angeletti. Parcours, mot clef qui désigne autant l’âpreté de sa recherche, sa continuité et son ampleur grâce à la sérialité. Le peintre, en effet multiplie à l’extrême la question que lui posait la toile précédente. Il la répète, le module, la transpose. Variation infinie pour un regard ébloui. La fermeté des signes (trace du pinceau-touche/fleurs-touche/personnage) indique, dès l’origine, que la peinture ne « travaille » que cela. Dès l’origine sont posés, là, les signes constitutifs de l’œuvre : le cerne échappant à la couleur/trace du pinceau, la touche/lumineuse/de valeur égale/parcours ponctué, parcours brisé, les filles/fleurs, les mères et enfants, les oiseaux, les bandes/verticales/horizontales, les touches croisées. Le « Sujet », déjà, n’est que question posée à la peinture. Et plus tard, aujourd’hui, pour n’en jamais finir, d’études en études (accomplies) d’épures en épures, de touches noires, de même intensité, de couleur simplement…traverser les éclats du papier et les écarts de la tendresse. La beauté, quoi !

Germain Roesz 1990, Exposition galerie G et autres fragments.

LES DESS(E)INS D'ALFRED
« Créer pour mieux vivre… » disait Alfred Angeletti.
Lorsqu’Alfred Angeletti réalise les parcours, sa peinture continue de s’adonner à la monumentalité du trait. Dessiner ne le quitte jamais. La production graphique semble peu importante, du fait qu’elle ne fut jamais totalement considérée et si peu montrée. Lorsque j’avais engagé le texte sur ses œuvres picturales pour le catalogue aux éditions de la Différence en 1991, j’avais évalué ce que ce travail devait au dessin ; mais je n’avais pas, à l’époque, assez développé ce point. Y revenir, après tant d’années, participe d’une fréquentation quotidienne de cette œuvre et d’une croyance profonde en ce travail, qui ne s’est jamais départi de sa fraîcheur ni de son actualité. Un autre aspect est que cette œuvre se met toujours sur le versant d’une inventivité continue : jamais le peintre n’a cessé d’expérimenter de nouvelles possibilités pour son travail (formats, supports, tracés, sujets, intégration de fragments linguistiques).

J’ai toujours pensé l’œuvre peinte d’Alfred Angeletti en termes de dessin. Le peintre d’ailleurs, dans son parcours rigoureux, aide à penser en ces termes. Il trace chaque jour ces variations sur les parcours, sur les fleurs, sur les bonhommes.
Il trace en reconsidérant son trait, sa touche, son geste, jour après jour. Il dessine son parcours en sachant parfaitement que le lisse d’une peinture qui cache son faire éloigne de l’expérience même de la peinture. Dans le même temps, il ne concède pas au formalisme contemporain et à la théorie de la « purification » de Greenberg.

Un parcours, son parcours, c’est précisément d’être relié à l’histoire et à sa propre histoire. Ce sera, pour le peintre Angeletti, d’être source de mécompréhension d’une bonne partie de la critique de l’époque. Sa liberté dérangeait le milieu artistique qui recherchait plutôt, dans une œuvre, des signes (trop) clairs et souvent (trop) facilement classifiables, donc reconnaissables. Alfred Angeletti oscillait d’un dessin puisé chez les enfants et dans les incandescences des artistes de l’art brut à la rigueur des abstractions dites analytiques. Il partageait une passion musicale pour la mélodie graphique et il cherchait à ne pas oublier la grande tradition mythique pour faire advenir une peinture hors du temps présent. Une poésie archaïque (une monumentalité, une architecture saisissante) porte cette œuvre vers une compréhension universelle.
EXPOSITIONS
INDIVIDUELLES

1978 — La Caisse : Parcours monochromes, Nice,
1980 — Galerie l’Atelier : « les années 1960-1980 », Nice,
1986 — Galerie Le Faisant, Parcours, Strasbourg,
1987 — Galerie G, Parcours croisés, Besançon,
1990-1991 — Galerie Scholtès : « Trois périodes », Nice
1991 — Galerie l’œil, Forbach
1991 — Galerie G, Œuvres ultimes, Besançon,
1992 — Parcours, Galerie Cour Carrée, Metz
1992 — Hommage, Espace Vallès, Saint Martin d’Hères,
1992 — Salle Alternance : « À propos d’une acquisition du FRAC », Strasbourg 
1995 — Hommage à Alfred Angeletti, Galerie Cour Carrée, Nancy
1999 — « Parcours », Art Gambetta, Metz
1996 — Alfred Angeletti Musée d’Art Contemporain, Nice,
2002 — Med’in culture, Lycée Diderot Marseille,
2003 — Galerie Cour Carrée, Hommage à Alfred Angeletti, Paris,
2005 — Alfred Angeletti, Galerie L'Ollave, L'Isle sur la Sorgue, Février-Mars
2006 — Galerie Iffrig, les années 80, Strasbourg,

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PUBLICATIONS

1991 — Germain Roesz, L’Etat des lieux, La Différence,
1992 — Germain Roesz, Catalogue de la Galerie Saint Martin D’Hères
1992 — Marcel Alocco, Alfred Angeletti peintre, Catalogue de l'Espace Vallès
Germain Roesz, Dessins, sortie prévue en 2013


COLLECTIVES

1983 — Renaissance des musées de Cannes,
1983 — Mail Art, Prima 83, pays niçois/Piémont, Lieu 5, Nice
1983 — Premières rencontres d’Art Contemporain, Cannes
1984 — Ecritures dans la peinture, Villa Arson, initiative de Michel Butor et Marcel Alocco,
1984 — Artothèque, Aix en Provence,
1984-1985 — L’Art Contemporain au Musée, Nice,
1985 — Selest’Art, Sélestat,
1985 — Autour de Nice, Nice,
1986 — Art Jonction International, Nice,
1990 — SAGA, Grand Palais, Paris,
1991 — Les Ardoises, Galerie Le Faisan
1993 — Itinéraires, Musée d’Art et d’Histoire de Belfort
2004 — Inauguration de la Galerie Iffrig, Strasbourg : Alfred Angeletti, Jean Pierre Bertrand, Marc Couturier, Jean François Maurige, Claude Viallat
2008 — Cour Carrée, Paris, Albinet, Matsutani, Angeletti
2013 — Mascaret 11ème Vague, « ce faisant », Penzé

ÉCRITS
     "C’est à l’aide d’un minimum de moyens que s’exprime le plus intensément l’exigence d’artiste du niçois Angeletti. Sa recherche méditative s’attache moins à l’exploitation des ressources de la couleur qu’à l’exercice d’une réflexion constante sur le rapport du pinceau et de la toile. Dans l’acte pictural, l’artiste inclut la lenteur du temps, la sédimentation laissée par le geste identiquement renouvelé.
     Il y élabore son écriture personnelle dont le rythme fondateur est lié au geste de peindre, mais dont le sens se réfère, de façon plus souterraine, à l’espace privilégié de la musique dans sa vie. La surface de la toile est le lieu de l’inscription de son travail.
     Par groupes de touches serrées et croisées, le pinceau constitue « des modules de création » générateurs de séries et de variations sur des thèmes dont l’identification demeure énigmatique, sauf à connaître la genèse d’une œuvre appuyée souvent sur l’intuition et la correspondance. Aucune de ces références, toutefois, n’apparaît sinon comme le signal discret d’une dévotion indéchiffrable. Dans cette peinture organiquement répétitive, chaque élément conserve son autonomie et sa solitude.
À l’occasion de leur présentation, ces toiles non montées sur châssis, posées à plat contre le mur, réservent des surprises. Il suffit d’un décalage furtif, de l’essai d’une dissymétrie, d’un caprice d’accrochage pour que change la lecture des œuvres et leur rapport, pour que soit soulignée leur différence insoupçonnable.
     De cette peinture, Michel Gaudet écrit : « les signes se croisent et s’entrecroisent, récupèrent les vides et les entrelacs acquérant par accumulation ou dépassement des intensités différentes ».      Peinture du signe et du secret, fondée sur une recherche intense visant à concilier, par l’analyse, les pulsions de la profession de la profondeur et la clarté du sens ; peinture de la variation conçue non comme ornement d’un thème, mais comme développement approfondissement, démultiplication. Tout se résout dans la réalisation finale de la toile, exact reflet dans sa rigueur et son austérité, de l’exigence de son auteur."

Pia Jung, catalogue du FRAC Alsace 1984
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"Parcours, justement –mot clef-qui désigne autant l’âpreté de sa recherche, sa continuité et son renouvellement. Dès l’origine sont posés, là, les signes constitutifs de l’œuvre : le cerne échappant à la couleur/trace du pinceau, la touche/lumineuse/de valeur égale/parcours ponctué, parcours brisé, les filles/fleurs, les mères et enfants, les oiseaux, les bandes/verticales/horizontales, les touches croisées.
     Le « Sujet », déjà, n’est que question posée à la peinture. Affleurer l’expressionnisme belge, allemand, accompagner (en toute indépendance) COBRA (1950-55), entrecroiser et la passion déferlante des drapeaux monochromes (1968) et les petites touches-du bout des doigts-pour un dégradé silencieux (1973), engager par intuition les ruptures des années 1970
(l’affirmation de la planéité, la peinture comme sujet, l’expérimentation de la toile lâche), fonder l’émotion et le geste qui enregistre comme source originelle, oublier enfin l’anecdote, mais pour mieux repeupler l’histoire.
     Et plus tard, aujourd’hui, pour n’en jamais finir, d’études en études (accomplies) d’épures en épures, de touches noires, de même intensité, de couleur simplement…traverser les éclats du papier et les écarts de la tendresse. Il y a dans cette peinture l’éternité du « Roman », vitrail récurrent, angles aiguisés des gestes droits pour mieux dire l’assomption de la voûte. La beauté, quoi !"

Germain Roesz 1990, Exposition galerie G
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     "L’œuvre d’Alfred Angeletti est à découvrir ; ce n’est pas la moindre surprise dans cette découverte que de constater, malgré l’éloignement du peintre des grands axes internationaux, l’intelligence de ces tableaux avec la problématique formelle la plus avancée en Europe… Guidé par une intuition historique remarquable, Angeletti a saisi l’ampleur et les limites constitutives de la typologie picturale moderne, à savoir l’idéal du monochrome, à travers lequel le XX éme siècle trouve sa cohérence et le principe de sa dynamique depuis Edouard Manet...
     Chacun de ses tableaux mobilise l’objet transversal qui nous autorise à parler d’idéal et jamais d’effectuation du monochrome,
c’est d’une fracture sensible obtenue d’une empreinte minimale sur la pellicule colorée que l’artiste prouve un effet proprement pictural pour échapper à l’objet « ready made » qu’ordonnerait une absolue monochromie. Au plus proche d’un espace conclusif, chaque tableau d’Alfred Angeletti relance notre regard sur la différence intersticielle entre l’objet évacué somptueusement du tableau et le tableau déjà presqu’évacué vers un statut d’objet, sur les conditions de la peinture."

Bernard Lamarche-Vadel pour l’exposition « La Caisse », Nice 1978
Paris, Mars 1978




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Lucien Angeletti
lucienangeletti@yahoo.com

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